Considéré dans son pays comme le grand prosateur classique des lettres grecques, Alexandre Papadiamantis (1851-1911) est l’auteur de quelques romans et surtout de près de cent-quatre-vingts nouvelles dont la plupart ont pour cadre Skiathos, son île natale. Solitaire bohème, écrivain décalé qui refusait l’intégration sociale et les modes littéraires, il a créé sous l’apparence d’une chronique de sa petite patrie une œuvre profondément symbolique, sensible au destin des égarés de la vie, de ceux pour qui « le droit chemin était perdu », écrit-il en citant l’Enfer de Dante. Choisissant ses sujets dans le microcosme d’une île de l’Egée ou d’un quartier d’Athènes, il ne se contente pas de donner à voir à son lecteur des « échantillons d’humanité » dans un contexte particulier, selon le canon réaliste qui prévalait à son époque, mais en extrait au contraire la matière de drames universels.
Angélos Terzakis (1907-1979), qui fut aussi dramaturge, nouvelliste et essayiste, est surtout connu en Grèce pour son oeuvre romanesque dont les personnages, pris dans l’étau d’une société étriquée, sont confrontés à des rêves que leur environnement ne leur permet pas de réaliser. Avec son unique roman historique La Princesse Isabeau (1945), tout en conservant la tonalité pessimiste de ses récits plus contemporains, il ouvre son inspiration aux rebondissements d’une intrigue trépidante et au souffle puissant d’un monde chevaleresque.
Antonis Samarakis (1919-2003) a travaillé au ministère grec du Travail, puis à l’Organisation internationale du travail. Il a publié, entre 1954 et 1998, trois romans et des recueils de nouvelles qui, par leur écriture concise et dépouillée, leurs personnages souvent anonymes, leur dénouement inattendu, expriment de manière percutante l’angoisse de l’homme ordinaire devant l’évolution du monde contemporain. Parce qu’elle entretient en particulier la flamme de l’espoir face à la puissance qui se veut “sans faille’ des régimes totalitaires et policiers, son oeuvre conserve toute sa valeur et reste un précieux repère pour les lecteurs d’aujourd’hui et de demain.
Constantin Cavàfis (1863-1933), Grec d’Alexandrie, a mené dans sa ville natale une existence obscure entièrement vouée à la poésie. Petit employé dans un ministère, méconnu de son vivant, il n’a été réellement publié qu’après sa mort. Il n’a pas vu sa notoriété peu à peu grandir au point qu’il passe aujourd’hui, aux yeux des Grecs, pour le poète capital de son siècle, et que son oeuvre est désormais traduite et admirée dans le monde entier.
Né à Corfou dans une famille de l’aristocratie locale, Constantin Théotokis (1872-1923) introduisit le réalisme dans la prose grecque. Loin de donner une image idyllique de son île natale, ses nouvelles et ses romans évoquent la cruauté, la cupidité et les préjugés qui asservissent l’esprit et avilissent les sentiments de ses compatriotes.
Cette peinture sans complaisance est influencée par sa conversion aux idées socialistes, qu’il découvrit au cours de séjours en Allemagne. Mais cet écrivain érudit fut d’abord influencé par la littérature symboliste et décadente de son époque, une première veine à laquelle appartient la nouvelle Le peintre d’Aphrodite écrite en 1904.
Le poète Georges Séféris, né en 1900 à Smyrne (l’actuelle Izmir) en Asie Mineure, s’installe à Athènes pendant son adolescence. Après avoir accompli ses études à Paris et à Londres, il poursuit une carrière diplomatique, qui lui donne accès à des postes parmi les plus prestigieux et lui permet de faire plusieurs voyages dans le monde entier. Son œuvre comprend plusieurs recueils de poèmes, des essais, ainsi que des traductions d’auteurs étrangers et un roman. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1963. Il meurt à Athènes en 1971.
Georges Vizyinos est né en 1849 près de Constantinople (Istanbul), dans l’Empire ottoman. Après une enfance marquée par les deuils et les privations, il trouve certains appuis qui lui permettent d’assouvir une part de ses ambitions : des maîtres l’encouragent à écrire, il remporte des concours littéraires, des mécènes financent son train de vie… Il vit à Chypre, à Athènes, séjourne en France, en Angleterre, étudie la psychologie et la philosophie en Allemagne, avant de revenir en Grèce, âgé de trente-cinq ans. Là, il va de désillusion en désillusion, tant sur les plans professionnel que financier ou sentimental. Il finit par se faire interner près d’Athènes dans un asile d’aliénés, où il meurt, à l’âge de quarante-sept ans. S’il est tragique, ce destin connaît depuis deux décennies une vraie résurrection : l’heure de la reconnaissance a sonné. En Grèce et ailleurs, Vizyinos est enfin considéré comme un auteur de grand talent.
Née à Alger, Jeanne Roques-Tesson étudie les lettres classiques à l’université de Rouen. Professeur de français, latin, grec pendant dix ans, elle quitte la Normandie pour s’installer en Grèce où elle enseigne à l’Institut Français de Salonique puis d’Athènes, avant de se consacrer à la traduction. Elle collabore avec le Centre du cinéma grec (dialogues et scénarios, notamment de Théo Angelopoulos). Outre des guides, ouvrages et articles spécialisés (histoire ancienne et byzantine, sciences sociales), elle a traduit des pièces de théâtre et des romans, dont Terres de sang de Dido Sotiriou, récemment republié aux éditions Cambourakis.
M. Karagatsis (1908-1960), de son vrai nom Dimitris Rodopoulos, auteur d’une vingtaine de romans et de recueils de nouvelles, s’est durablement imposé dans son pays comme un écrivain populaire dont certaines œuvres ont été adaptées à l’écran. Il fait partie de cette « génération des années 30 » qui a voulu renouveler le roman grec moderne et en orienter les sujets vers la peinture de la société urbaine contemporaine. Il se fait d’abord connaître par trois premiers romans dont le personnage principal est un étranger confronté à sa difficile acclimatation en Grèce : un Russe dans Le colonel Liapkine (1933), une Française dans La grande chimère (1936), un Finlandais dans Junkerman (1938), avant d’expérimenter, dans l’après-guerre, des formes romanesques très diverses qui échappent à cette première veine et qui font de lui un écrivain inventif et novateur.
Le poète grec Yannis Ritsos est né à Monemvassia en 1909, et a contracté la tuberculose à l’âge de 17 ans. Durant son séjour à l’hôpital, il a découvert le marxisme, courant idéologique qui a profondément marqué sa vie. Il a été contraint à l’exil pour de nombreuses années, d’abord à la fin de la guerre civile (1946-49) puis durant la dictature des colonels (1967-74). Yannis Ritsos a laissé derrière lui une oeuvre littéraire considérable. Sa poésie a été interdite et plusieurs de ses ouvrages ont été détruits, mais il a par la suite été honoré et a reçu de nombreux prix, parmi lesquels le prix national de poésie et le prix Lénine. Il est mort en 1990.